Dans les terres plaisantes et verdoyantes de l’Angleterre…

Ou “une expérience du sacré et ce que j’en ai fais quand j’y suis allé”
Par Volksieg AOR
A cause de problèmes personnels récents et moins récents, je me suis laissé submerger par le stress, à un point tel que j’ai commencé à tout remettre en question dans ma vie, même le bénéfique.
Chaque jour semblait apporter son nouveau lot d’ennuis (réels ou imaginaires), de sentiments de stagnation et de désespoir. Peu importe à quel point je me suis appliqué à garder la face du bon vieux Volksieg; toujours prêt à rire, à plaisanter, avec toujours une bonne blague en réserve pour faire redescendre les tensions…mais peu à peu, le masque s’est fissuré. Il est tellement facile de succomber aux pressions de l’existence moderne et de perdre de vue les choses essentielles qui rendent la vie digne d’être vécue. Quel pourrait être le problème? Après une longue période créative où mes pensées avaient été publiées dans un livre, j’avais reçu des commentaires encourageants de nombreuses personnes qui désiraient en lire plus. Mes projets musicaux avançaient plutôt bien ces derniers temps et la paternité, malgré les nombreux défis qu’elle comporte, m’apportait la joie de l’expérience. Nous avions certes nos tracas, propres à notre situation et nous devions y faire face mais je me rappelais qu’il y avait toujours des parents avec beaucoup plus de soucis que nous et qui faisaient face à leurs problèmes de manière stoïque et particulièrement courageuse.
Pourtant…
Et pourtant, un nuage noir semblait toujours planer au-dessus de ma tête. Ces derniers mois, le nuage s’épaississait et s’assombrissait, il y avait toujours une tempête à l’horizon. Une petite voix dans ma tête me répétait sans cesse “ce n’est pas assez, tu es insignifiant”. Le doute semblait s’insinuer comme un loup noir et viscieux, tapis dans mon ombre, hors de vue, comme pour traquer mes moindres mouvements et attendre le bon moment pour me descendre une bonne fois pour toute. Ce sentiment omniprésent affectait non seulement mon humeur mais également ma façon d’interagir avec les autres et spécialement avec mes proches. Quelle sombre ironie que ce soit ceux dont nous prenons soin et qui dépendent de nous qui s’en prennent plein la tête. Je suis sûr que nous sommes tous passés par ces moments où l’on lève les bras vers le ciel pour crier “c’est pas bientôt fini?”
C’est lors de l’un de ces terribles moments que j’ai découvert, grâce à mon bon camarade Harry S, un endroit magique pour se requinquer et je voudrais saisir cette occasion pour partager avec vous cette expérience.
Je ne vais pas vous donner l’emplacement exact de ce bois sacré mais je vous dirais qu’il est caché, loin des regards indiscrets, en haut d’un champ, sur une colline surplombant Eynsford dans le Sud-Est de l’Angleterre. Bien sûr, la localisation exacte est sans importance, comme je l’ai découvert cette nuit-là, car ce lieu ne se trouve pas seulement sur une carte géographique mais aussi dans le coeur de notre peuple, si nous prenons le temps de le voir. Un lieu de paix, de magie, de joie et de plénitude. Un lieu idéal pour se ressourcer.
Assis sagement dans mon salon, essayant de couvrir le son bruyant des travaux de voirie à l’extérieur, avec les riffs d’un groupe de rock américain connu pour ses costumes ridicules et son maquillage emblématique, j’attendais patiemment l’arrivée d’Harry. Finalement, il frappa à ma porte et vint me rejoindre sur le canapé. Je lui ai joué mes dernières créations pendant que nous dégustions une tasse de thé en bavardant. Nos tasses bues jusqu’à la lie, il était déjà temps de sortir. Mon casque sur la tête, j’enfilais un pantalon de combat kevlar et enfourchais ma moto. Je la fit vrombir dans les rues de la ville et laissais derrière moi, la pression, les soucis et les responsabilités, si je puis dire, pour la nuit.
Après un long voyage ébouriffant sur l’autoroute, nous sommes enfin arrivés dans son antre et nous nous assîmes pour une autre tasse de thé tandis que nous planifions l’exursion du soir. Harry me décrivait avec enthousiasme l’endroit magnifique qu’il avait prévu de me montrer, il partagea avec moi tous les bons moments qu’il y avait passé avec ses amis. J’étais si impatient de le voir de mes propres yeux et de m’en faire ma propre idée. Cet endroit était-il aussi spécial qu’Harry le suggérait? Le moment venu, j’avais hâte de sauter à l’arrière de sa moto, peu importe l’atroce façon de s’y asseoir en s’accrochant aux barreaux derrière moi, convaincu que d’une minute à l’autre, nous finirions par ressembler à quelque chose comme une pizza…une pizza recouverte de confiture de fraises? De la confiture de fraises avec peut-être un saupoudrage de coquilles d’oeufs brisées réparties bon gré mal gré sur le dessus? Je me moquais de moi-même et décidais que, contempler ma mort violente n’était pas la meilleure façon d’appréhender ce voyage. Dès lors, je vidai mon esprit de toutes ces pensées morbides, même si ces images sombres étaient amusantes, je devais me détendre et profiter du voyage.
Nous nous arrêtâmes au supermarché du coin pour acheter quelques provisions pour la nuit à venir. Notre choix se porta sur des saucisses à cuire au-dessus du feu.
“Voici la galerie des cadavres!” annonça Harry en désignant du doigt les paquets de saucisses soigneusement empilées dans leur vitrine. Une vieille dame nous regarda l’air incrédule pendant que nous plaisantions. “Et ce ne sont que les clients!” ai-je ajouté.
Nous nous dirigeâmes vers la caisse pour payer nos achats avant de les charger dans notre sac à dos déjà bien lourd. Enfin, je le chargeais sur mes épaules et, chancelant, j’avançais lentement vers le parking (avec une démarche pas tout à fait similaire à celle de John Wayne, ou alors un John Wayne atteint d’une terrible maladie débilitante).
Avant de partir vers notre destination, Harry me demanda d’essayer de m’imprégner de la vue incroyable dont nous avions profité le long des routes de campagnes. Il me raconta comment, au printemps, dans l’un des champs, on pouvait admirer les fleurs en forme de croix blanches qui fleurissent en l’honneur de ceux qui, dans la RAF et dans la Luftwaffe, ont perdu la vie au cours de la bataille d’Angleterre. Une image qui donne à réfléchir. Tant de sacrifiés pour, semble-il, si peu. C’est lorsque l’on prend le temps de contempler cela que l’on commence à envisager les choses sous un autre angle. La vie est, et a toujours été faite, dans la lutte. Et parfois, cette lutte, on ne l’a pas demandée, peut-être même ne la mérite-t-on pas et pourtant la meilleure chose à faire est d’essayer d’y faire face avec courage et de dire: “Vie! Donne-moi le pire! Je vais l’endurer!”. Une pensée pour toutes ces jeunes vies effacées…disparues à jamais…pour quoi faire? Toutes, au nom de la petite puissance et des jeux politiques! Cela anéanti en moi tout sentiment de victimisation, même les plus séduisants. Il est si facile de manquer de recul lorsque les pressions quotidiennes semblent nous étouffer, et bien qu’il n’y ait pas de honte à avoir lorsque l’on se sent en échec, mieux vaut pour notre âme se rappeler que nos problèmes sont en fait bien minuscules par rapport aux moins fortunés, pris dans la, parfois incroyablement cruelle, toile du Wyrd.
Cruelle…mais jamais sans fin.
Accroché à l’arrière d’Harry sur sa moto, plutôt maladroitement il faut bien le dire, nous nous dirigions vers un champs jaune, nuancé des teintes du coucher du soleil quand une brise rafraichissante me caressa doucement le front. Harry m’informa que de nombreux pilotes, des deux côtés, avaient perdu la vie sur ce domaine, et je commençai à réfléchir à cette tragédie dans son entier. Des frères, contraints de se battre entre eux, jusqu’à ce qu’ils soient unis dans la mort, plus qu’ils n’auraient pu l’être dans la vie. Je suis un éternel nerd et un fan d’un simulateur de vol appelé WW2. Aussi, je me suis fait la réflexion suivante, bien qu’un peu grossière, que j’avais sûrement écrasé mon bf-109 virtuel dans ce domaine peut-être une bonne centaine de fois, et maintenant j’étais ici pour de vrai, quel sentiment surréaliste! Je me serais attendu à ne rien ressentir, mais, combien ont perdu la vie sur ce sol sur lequel je marchais…et pourtant…il n’y avait rien à part un sentiment de paix et de silence. Je peux honnêtement dire que je n’ai jamais vécu un pareil sentiment dans ma vie et je pourrais le décrire comme sacré.
Nous fîmes une courte pause au sommet d’un champs. Nous nous assîmes pour fumer une cigarette en regardant le soleil, maintenant couleur cuivre, fendant les nuages de ses rayons et baignant ainsi le paysage d’une gamme de couleurs violette, verte et orange. Emus par tant de beauté, nous déblatérions au sujet de l’étrangers qui allait et venait à travers cette plaine sans jamais la comprendre! Comprendre cette magnificence! Je contemplais les collines, les cottages, les forêts et les terres agricoles, en respirant profondément, comme pour
m’approprier cette vision et la conserver en moi. Nous en conclûmes que l’étranger pouvait peut-être garder les villes qu’ils détenaient jalousement car c’était l’Angleterre, pas les usines fumantes, les trous à rats claustrophobes et les tours des blocs locatifs où chaque homme y est un étranger pour ses prophes, où l’histoire n’est pas entendue, oubliée dans la fange de l’insignifiant. Des frissons pas chers, l’anonymat et le sentiment général de malaise et de suffocation propres à la vie urbaine. Nous faisons autant partie de cette terre que cette terre fait partie de nous et personne ne pourra nous l’enlever.
Finalement, nous nous relevâmes et nous prîmes le chemin en direction des bois. D’après Harry, ces bois sont particuliers. Ils étaient utilisés pour la production de navires et d’armes. Sur les bords extérieurs, les arbres sont beaucoup plus larges et donc très utiles aux charpentiers des marines et sous la protection de ces grands arbres, poussent des troncs beaucoup plus minces qui se prêtent parfaitement à la fabrication d’armes. Nous nous lançâmes dans des théories pour savoir si ces productions remontaient à l’époque saxonne. Puis nous bûmes une bonne bière, avant qu’Harry ne se décide à partir à la recherche de bois de chauffage avant que le ciel ne s’assombrisse. Pendant qu’Harry marchait, je me suis assis un bref instant en fermant les yeux. Outre le son des pas d’Harry dans les branchages un peu plus loin et le bruissement du vent dans les arbres, j’ai été étonné de constater à quel point la région environnante était calme. Je me levai pour rejoindre Harry et ensemble nous récoltâmes du petit bois pour la nuit.
Les flammes léchaient régulièrement les bords de l’embrasement, nous éclairant de ses nuances oranges, et, devant cette chaleur bienvenue, nous nous posâmes pour le souper et une bière. Je demandais à Harry s’il avait déjà perçu un certain sentiment, qui je pense a déjà été vécu par la majorité d’entre nous -comme lorsque l’on se détend dans un bon bain chaud, appuyant la tête sur le rebord, totalement relaxé, les yeux fermés et durant un court instant, une pensée soudaine éclaire notre esprit: et si quand je rouvre mes yeux il y avait quelqu’un debout sur moi? La montée d’adrénaline et le sentiment de peur prennent tout à coup le contrôle avant que les yeux ne se rouvrent et nous nous blâmons d’avoir des pensées aussi idiotes.
Encore plus édifiant, ce sentiment oppressant quand on est seul dans le noir dans une forêt inconnue. Harry me confirma qu’il connaissait tout cela et nous parlâmes un court instant de comment l’esprit peut créer d’obscures fantasmes issus des recoins les plus sombres de nos pensées et comment cela pourrait être interprété comme étant des pensées suscitées par Loki tapis dans l’ombre. La raison pour laquelle j’avais posé la question, c’est que peu importe à quel point le ciel était sombre à présent, peu importe comment ce bois me semblait étrange, pas une seule fois, je n’avais ressenti ce sentiment. C’était comme si les esprits étaient libres de toutes énergies et expériences négatives, comme s’ils étaient heureux de nous voir. J’ai senti leur curiosité, et j’ai pensé que je pouvais même les entendre rire lorsque nous rigolions en évoquant des souvenirs et des moments drôles avec nos camarades lors du Folk Camp. Notamment l’histoire des trois tentes minuscules ou lorsqu’un camarade semblait incapable d’empêcher son souper de s’envoler et de transformer le champs en un torrent de nouilles fumantes. Nous avons parlé de beaucoup de choses ce soir-là, y compris de la nature d’Odin, de la différence importante entre la reconnaissance du rôle de Loki dans notre mythologie et le fait de s’abaisser à son niveau mais un sujet, en particulier, retint notre attention, que beaucoup dans la communauté odinique connaissent…l’incapacité de sonder notre intérieur pour y trouver les réponses à nos problèmes. Harry conclut notre discussion en disant que nous sommes tous très à l’aise pour faire la guerre, mais le véritable test, à bien des égards, est d’apprendre à faire la paix.
Cette nuit-là, j’ai rêvé du champs jaune au-delà des bois où nous avons dormi et dans ce rêve, j’ai vu des bâtons blancs jaillirent du sol pour atteindre le ciel. Peu importe d’où cela peut provenir, j’ai quelques idées.
En avant et vers le haut.
La précieuse leçon que je retire de cette excursion est la suivante: La capacité de faire la paix.
Category: OR ET ODINISME
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